jeudi 3 juillet 2014

Pourquoi Solidays, c'est pas mon truc ?

M'échinant à trouver l'entrée du festival, v'la que Fauve se fait entendre dans l'air. Au-deçà des grillages, quelque part dans l'enceinte de l'hippodrome de Longchamp, le collectif de musiciens pour lequel je me déplace est en entrain de dérouler son show. Il est 23h30, qui au bon dieu aurait pu imaginer qu'ils les fassent passer en tout début de soirée ? L'urgence se fait contagieuse ; les gens avec lesquels j'effectue la transhumance pressent le pas ; d'autres, clairement tapent un sprint. Le sentiment d'indignation se fait audible alors que, impuissants, plusieurs kilomètres nous séparent encore du lieu des festivités : «C'est vraiment entrain d'arriver ! On est ici et c'est entrain de se passer là-bas !». Quand on s'enquit auprès du bénévole sur la direction à emprunter, le bénévole flaire l'état fébrile qui nous anime, en joue et nous invite tout bonnement à rentrer chez soi. Après un parcours qui donne plus l'impression de s'éloigner que s'approcher de là où les choses se passent, je trouve une brèche dans le bordel et m'y engouffre.


La même distance parcourue à l'intérieur qu'à l'extérieur en sens inverse, je joue des coudes pour entrevoir le groupe jouer ces derniers morceaux, il est techniquement trop tard pour remonter cent kilomètre de marée humaine. Refroidi par ce coup foireux de programmation, je décide de gagner en visibilité sur le reste-à-voir mais ma chasse des heures de passage se fait infructueuse. Je me résigne, certes en bonne position, non loin d'un écran géant qui indique «Shaka Ponk». Ce fut pas mauvais en soi, pas plus que les spots de préventions diffusés avant le concert. Mais on va pas se mentir, ce sandwich à la raclette, juste après, m'a beaucoup plus fait rêver. L'inconnu qui opinait du chef en quête de mon approbation ne dira pas le contraire. Que ce soit les difficultés techniques du groupe ou le public mou-du-genou, j'ai vu mieux. Mais c'est la recrudescence des siffleurs, être humain inutile né avec ce don agaçant qu'il utilise outre-mesure - «Je sais faire, je fais alors.» -  toujours en bonne position pour faire vibrer dangereusement mes tympans, qui m'a le plus affligé. 

Ça s'améliore un peu avec Vitalic malgré la sensation que son show n'ait pas évolué d'un poil depuis cinq ans. Le public est au rendez-vous, peut-être même un peu trop, au point d'avoir un centimètre carré pour s'exprimer physiquement. Les degrés de liberté disparaissent à mesure que les gens s'agrègent les uns aux autres. Dans la configuration de la liaison pivot glissant que j'avais consenti à embrasser, la foule finit en masse solidaire, monolithique, encastrée comme une brique lego. En fait c'était bien, ça allait. Un type me confesse «t'es bourré ou t'as juste l'air d'un con» ; je me décide à aller boire une bière méritée, tiens. Ah mais c'est qu'à Solidays, on ne sert pas de pintes (50cl), enfin si : juste le gobelet ! Ça déborde, il parait ! L'alternative proposée est assez ludique. Elle consiste en deux demi dont le consommateur n'a plus qu'à verser le contenu du premier dans le second. Le miracle ainsi obtenu, il ne reste plus qu'à se mettre dans la file pour la consigne du gobelet inutile ou le balancer par terre parce que bordel.  

Lors de mon repérage global affairé avec le sandwich à la raclette, il y a bien une information que j'ai mis dans un coin de ma tête, c'est que Salut c'est cool officiait à 3h30. Esseulé, dans l'attente de ce rendez-vous, j'errais de façon distraite entre Pfel (C2C) et la vue des gens équipés de casque audio HF s'amusant en silence sous le chapiteau de Silent Disco. Puis les reflets de la boule à facette qui tachetait la pelouse et enfin l'ennui qui me gagnait. Entre electro clash bienheureuse, techno viking gringalet, des chats, des pingouins, un mauvais goût assumé, Salut c'est cool réveille le public avec ce sentiment simple et efficace : on est là pour s'amuser. «Il faut que tu ailles danser sur la scène», je pense avoir compris. Je fais répéter mais n'y entends pas plus. Je renonce à mon visage interrogateur et m'abandonne à un geste d'acquiescement bienveillant. Mon interlocuteur le reçoit bien, son visage s'éclaircie. On est heureux, nous nous comprenons. C'est vrai, il doit avoir raison, ça a l'air sympa d'aller danser sur la scène. Mais voila, Solidays, c'est pas mon truc.